L’instant d’un sourire

voilier paradiseLe Cap Horn est maintenant derrière nous.

Malgré les 40 nœuds de vent et les vagues de travers, l’île s’est franchie sans trop de difficultés bien que les vagues nous ont trempés jusqu’aux os.

L’émotion d’avoir franchit le Horn n’a même pas eu le temps de se dissiper que des dauphins arrivent nous saluer, jouer dans le sillage bateau. Moi, je veux être aux premières loges du spectacle, mais comme on se fait encore brasser par les vagues et la houle, je dois m’attacher à la ligne de vie et ramper pour accéder a la proue. De là, tout me semble plus gros et plus fort; le vent, la houle, le cri des dauphins et même le Cap Horn me semble plus présent. Je m’amuse à observer le va et vient des dauphins. Je les attends rirent et je rigole avec eux. J’ai les yeux et le cœur d’un enfant devant son plus beau jouet. Le moment est magique, magnifique. Jusqu’à ce qu’une puissante vague m’éclabousse le visage. J’ai de l’eau salée des oreilles au fond de la gorge et cela, contrairement à ce que l’on peut penser n’a qu’accentué ma joie de vivre de moment, ce moment present.

 

coucher soleil snipe    montagne soleil    nuages roses

Les yeux mouillés salés et le coeur doux

aquarelle cinquo estrellas

Vent de face à plus de 35 nœuds (65 km/h), les vagues frappent le bateau de travers et nous éclaboussent sans prévenir. Le capitaine se tourne à chaque fois qu’il sent qu’on va se faire arroser, mais moi, je ne connais pas encore la routine des vagues et à chaque fois je me prends une douche d’eau salée glacée. J’ai le visage dégoulinant, les yeux qui brûlent et les mains congelées, figées à la barre. J’ai peine à garder le cap avec ma vision brouillée. Je demande à Christophe, le capitaine, de reprendre le relais pour que je descende à la cuisine pour préparer le dîner.
Moi qui croyais à un répit du froid et de l’eau du pont, me voilà en train de valser avec les patates, les plats et les couteaux. J’ai décidé de cuisiner un pâté chinois, recette simpliste, mais elle me semble soudainement d’une complexité insoupçonnée. Le mal de coeur me gagne tranquillement, je dois prendre de grandes respirations à chaque action. J’ai chaud, ma bave s’épaissie, mais jusqu’au bout j’empile un par-dessus l’autre la viande haché, le blé d’inde et les patates pilées. Enfin, je mets le plat au four comme un soulagement. Je sors le plus vite possible à l’extérieur, mes bottes et mon manteau à la main, j’ai besoin d’air plus que de chaleur pour le moment. Je m’habille sur le pont en fixant intensément l’horizon pour donner un repère à mon mal de coeur… J’ai vingts minutes pour reprendre mes esprits avant de redescendre à la cuisine pour servir le repas.
Ce repos est passé trop vite pour stabiliser mon état et je me retrouve malgré moi à servir chaque bol comme si c’était le pire supplice. Ça brasse tellement à l’intérieur que mes pieds n’arrivent plus à s’ancrer au sol et les bols veulent voler dans tous les sens. J’arrive sans le croire au dernier bol et je m’empresse de regagner le pont. Tout le monde à l’air satisfait du repas qu’ils engloutissent pendant que c’est encore chaud. Je me dépêche donc moi aussi à manger mon dîner, mais le pâté se dépêche lui aussi… à ressortir… Tête par-dessus bord, je dois admettre que j’ai perdu contre le mal de mer. C’est une bataille de perdue, mais la guerre n’est pas terminée.

J’ai déjà hâte aux défis que demain me réserve.

dessin venus cinquo estrella             aquarelle ciel gris

La liberté des couleurs

voilier au Cape Horn

 

À peine suis-je arrivé au bout des quatre semaines d’immobilisation de mon bras droit, que j’ai tout de suite sauté sur mes couleurs. Évidemment, ce n’est pas parce que j’arrive à la fin de ce laps de temps dicté par le médecin, que mon bras retrouve immédiatement toute sa force et sa souplesse…

À force d’obstination, j’ai cependant réussi à convaincre mon bras de son potentiel oublié et c’est avec une main tremblante et trop rigide que j’ai réussi à étaler ses couleurs sur un papier blanc qui m’inspirait.

La liberté m’est enfin revenue et, avec elle, le bonheur d’être avec mes couleurs.

Ce petit voilier au Cape Horn (la pointe la plus méridionale d’Amérique du Sud) représente ma future réalité, car me voilà présentement en Terre de Feu en attente de naviguer dans ses paysages plus qu’inspirants.

La suite sera définitivement tout en couleurs.

Un petit matin de guide…

Mon alarme me sort brutalement de mon coma de quelques heures. J’ouvre les yeux à la seconde et malgré mon sac de couchage qui me serre le visage, j’aperçois le soleil qui essai de percer les nuages. Cela me rappelle que je suis en expédition, qu’il est 6h00AM et que le déjeuner doit être prêt dans une heure. Action!

Les yeux à moitié collés, je serre mon sac de couchage, roule mon tapis de sol et pars le réchaud d’une main quand mon alarme sonne à nouveau. C’est le snooz, cinq minutes ont déjà passés, c’est fou ce qu’on peut faire en cinq minutes!

Je pars pieds nus à la rivière pour y chercher de l’eau. J’en oublie de regarder où je vais tellement le lever de soleil est majestueux! Pour ça, cela en vaut bien la peine de se lever tôt!

De retour à la cuisine, l’eau bouille. Prête pour la préparation du café, liquide indispensable au bien-être des membres d’expédition et à la suivie du guide! Maintenant le déjeuner, j’ouvre les multitudes de sacs étanches pour trouver tous les ingrédients, ce matin : crêpes aux pacanes avec petits fruits garnis de crème fouettée. Qui aurait cru aussi bien manger au plein milieu de nulle part? Et bien moi, j’y crois qu’on peut bien manger même sans eau courante, sans électricité et sans supermarché à proximité…

Un voyageur passe par la cuisine, il faut que j’aille l’air sympathique même si mon cerveau et mes mains font mille choses en même temps.

«Bien dormi?»

«Pas trop, j’ai eu froid toute la nuit»

Je le fais un peu rire en lui disant qu’il devrait se compter chanceux de ne pas s’être fait manger par un ours et je le rassure en lui disant qu’on trouvera une solution pour la nuit prochaine. Je réfléchirai à cela un peu plus tard dans la journée…

Deux poêles à la fois, les crêpes sont en production massive. La première est ratée comme toujours, ce n’est pas trop grave puisque j’aime bien les crêpes laides et qu’elle fera un beau premier déjeuner pour mon estomac qui demande qu’on le nourrisse au plus vite.. Sept heures moins dix, les voyageurs commencent à tourner autour de la cuisine… Dernier préparatif et non le moindre, la fabrication d’un centre de table : un bonhomme sourire fait de fruits, de crème fouettée et de sirop d’érable. Cela fait sourire tout le monde même les moins matinaux.

Pendant que tout le monde mange, je continue la production de crêpes, car elles sont bien populaires! Quand j’éteins enfin les réchauds, tout le monde est rassasié, sauf mon ventre qui me rappelle que la crêpe manquée est maintenant bien loin.

On termine ce déjeuner par l’explication du parcours. Tout le monde se rassemble, autour de la carte marine. Je les fais rêver des îles qu’on contournera, des montagnes qu’on apercevra et des animaux qui croiseront peut-être notre chemin. Leur en disant assez pour les faire rêver tout en me gardant des surprises sur le parcours. Parce que les surprises, tout le monde aime ça, même ceux qui ont perdue trop vite leur cœur d’enfant.

C’est sur un nuage que le groupe commence à ramasser leur tente et leurs équipements. Moi, je m’occupe de défaire la cuisine, de ranger l’abri cuisine, de préparer le dîner et d’emmener le tout près des kayaks. C’est là que je me rappelle mon envie de pisser qui est présente depuis mon réveil, mais mes occupations et ma volonté de bien faire les choses font vite oublier les besoins primaires…

En aidant, les autres à transporter leurs effets, je vois au loin le brouillard qui se lève. Je prends immédiatement un azimut avec ma boussole pour m’assurer qu’on se rendra à la bonne place. Dans ces conditions un peu grise et triste, je devrai doubler mon sourire et ma bonne humeur pour entraîner les autres dans le positif.

Les kayaks ont-ils rapetissé pendant la nuit? Malgré les jours qui passent et la quantité incroyable de nourriture ingéré quotidiennement, la pile d’équipement me semble toujours aussi énorme. À coups de poings et de persévérance ont réussi à faire rentrer tout le stock dans les trous minuscules des kayaks. Le sport n’est pas fini, il reste l’embarquement dans ce tapis d’algues gluantes et je parie trois personnes à l’eau dont moi-même compte tenu de ma coordination légendaire. C’est donc les fesses mouillées que je rentre en catastrophe dans mon kayak que j’ai du packter en vitesse. Des sacs pleins les pattes et les pédales désajustés, le kayak me semble soudain l’embarcation la moins confortable au monde. Peu importe, on a enfin quitté le campement et rendue sur l’eau on dirait que 50% de la journée est déjà réussie.

Quelques coups de pagaie plus tard, le brouillard se dissipe tranquillement pour laisser place à un ciel bleu et à une mer qui devient miroir. Et là, je me rappelle, je me rappelle que j’ai la plus belle job au monde et que dans mon bureau il ne manque pas de fenêtre.

Baie Georgienne sous la pluie

Aquarelle qui s’est fait prendre par l’orange car j’ai dû la laisser sur une roche pour partir en catastrophe monter l’abri cuisine.

Les jours sans nuit, Groenland

dessin glacier kulusuk       aquarelle coucher soleil     dessin dan beach       aquarelle maisons kulusuk

Le soleil qui tranquillement se couche derrière les montagnes colore peu à peu le ciel d’un mauve, d’un rose et d’un jaune intense.

Une conclusion théâtrale à cette journée qui donne l’impression que le soleil ne veut pas se faire oublier.

Il a beau être disparût sous l’horizon, sa lumière reste si présente que même les étoiles n’arrivent pas à percer ce ciel trop clair.

Déjà, il réapparaît de l’autre côté des montagnes, ses rayons ajoutent de précieux degrés à la température matinale.

La nuit ne me semble pas vraiment avoir existée.

Le temps me paraît sans échelle.

Les journées me paraissent sans lendemain.

J’ai l’impression que ces jours sans nuit ont fait de mon séjour d’un mois au Groenland un mois de 90 jours. Ou peut-être est-ce le fait d’avoir vraiment profité de chaque instant qui a étiré le temps.

Reste à voir si on peut allonger le temps dans le brouhaha quotidien de la ville…

aquarelle fish eye

dessin cimetiere kulusuk       Dessin peche ikatek

aquarelle pano karale

Un plein de couleurs, Hollande

moulins et vélos

La Hollande, un pays plat parsemé de moulins à vent et recouvert d’un lit de tulipes aux couleurs d’arc-en-ciel. Un mois après mon expédition en Antarctique je n’aurai pas pu trouver mieux comme contrastes aux montagnes blanches et aux couleurs froides des glaciers.

Je me retrouve à guider un groupe de baby boomers sur des vélos hybrides dans le labyrinthe de pistes cyclables d’Amsterdam. Ce voyage aurait pu me décourager après les émotions fortes et l’adrénaline quotidienne de l’Antarctique, mais c’est tout le contraire. Je me sens si bien à forcer à peine sur mes pédales de vélo, à regarder chaque détails de ce paysage et à discuter avec des gens qui profite réellement de chaque moment de leur voyage.

Les couleurs m’ont inspirées, les moulins m’ont tendus leurs bras et l’atmosphère néerlandaise m’a fait profiter de la simplicité de la vie. Suite à la création de plusieurs toiles d’Antarctique où les seules couleurs utilisées étaient le bleu et le gris, la multitude de nuances de rouge, d’orange, de jaune, de mauve, de bleu et de vert m’ont obligé à me dépasser dans ma création.

Aquarelle tulipes et moulin          moulin dessin

L’inexploré, Antarctique

XP antarctik logo sans sloganXPA alex a ski

On se réveille avec le bruit du vent. La tempête fait rage à l’extérieur. La tente plie sous la force des rafales. Frank se lève avec difficulté, il n’a pas l’air plus en forme ce matin, mais on avait dit qu’on partait du camp aujourd’hui peu importe son état.

Je sors à l’extérieur confirmer la force des vents, j’ai de la misère à rester debout… Ça va être un défi presque qu’impossible d’avancer là-dedans.

Ça nous prend une éternité pour défaire la tente de tous ses ancrages. En plus, elle se fait enterrée au fur et à mesure qu’on la défait. Même si nous sommes tous le plus efficace possible, démonter le camp est une vraie mission dans ces conditions. L’image de l’équipe en train de peiner à ranger la tente m’amène un questionnement: sommes-nous en train de faire une erreur? Jamais nous pourrons remonter la tente dôme dans ces conditions. En plus, l’état de Frank est critique, il survit sous l’abri d’urgence depuis des heures, redoutant l’heure du départ. Vraiment, est-ce la bonne décision?

Alex a l’air sûr de lui, du moins c’est ce qu’il nous laisse paraître. Sa confiance nous donne la force de continuer.

Après des heures de préparation qui m’ont paru infinies, les deux cordées sont prêtes à passer à l’attaque. Frank est trop faible pour s’occuper de lui-même. Je dois donc lui mettre son harnais, ses skis, son sac et faire ses nœuds à sa place. Les mousquetons sont gelés, je dois donc constamment retirer mes mitaines pour les dégelés. Mes mains sont froides, blanches et de moins en moins fonctionnelles. Ce n’est pas gagné d’avance.avant

Notre visibilité est d’environ dix mètres, c’est donc primordial que les deux cordées restent groupées pour ne pas se perdre. Je suis première de la deuxième cordée et ma mission est de ne jamais perdre Frank des yeux, qui est dernier de la première cordée. Comme nous sommes sur des cordées différentes, je peux me permettre de marcher côtes-à-côtes avec lui. Je suis donc disponible s’il a besoin de quoi que ce soit ou s’il a un malaise. Nous ne voyons même pas Sam devant nous, le seul indice pour nous indiquer le chemin est la corde qui se tend et se détend devant Frank. Je sens de la tension sur la corde derrière moi. Je ne sais pas si c’est mon traîneau qui me frêne ou si c’est ma cordée qui a de la misère à avancer… Je vois Frank disparaître dans un rideau de brume… Je ne peux me permettre de le perdre donc peu importe les problèmes qui se passent à l’arrière, je fonce, entraînant avec moi le reste de mon équipe.

Ma vision s’embrouille, mes lunettes givrées ne me laissent que 10% de visibilité. Je me sens comme une aveugle sans son chien guide. On se fait fouetter par de forts vents de côté. Garder l’équilibre est de plus en plus difficile. Je vois Frank osciller devant moi. Je sens mon masque de néoprène se durcir sur mon visage. Il s’y accumule un bon centimètre de glace et cela rend ma respiration difficile. Le vent s’intensifie. Mais qu’est-ce qu’on fait là?

Texte écrit lors d’une expédition de 41 jours dans un territoire inexploré de l’Antarctique.

Pour plus de détails sur l’expédition voir: www.xpantarctik.com

Crédit photo: Caroline Côté

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Le petit drapeau rouge

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Je suis première de cordée. Je descends suivi du reste de mon équipe dans la neige fraîche des derniers jours, dans le blanc totale de la tempête d’aujourd’hui. Je suis les drapeaux jusqu’au camp, ils sont mon seul repère dans cette immensité blanche.

Je ne vois plus qu’un drapeau devant moi. Il m’a l’air vraiment seul dans le blanc environnant. Je focus sur le bout de duck tape rouge à son extrémité. Je ne sais pas si je monte ou si je descends, je n’ai aucun repère. Mon regard n’est que pour ce bambou qui, après la chute de Frank, confirme qu’il peut nous sauver la vie.

Ce « bambou rouge sur fond blanc » marquera mon esprit, marque ce blanc d’une touche de couleur et nous donne un peu d’espoir dans cet environnement hostile.

L’instant présent, Groenland

Glacier Île d'Angmassalik        Tasilaq Fjord.         Marie en comtemplation; fjord Angmassalik

Le soleil continue son interminable descente vers l’horizon et donne doucement des teintes chaudes aux froideurs des paysages.

Tout semble immobile et pourtant tout est en mouvement.

Le brouillard enrobe tranquillement les montagnes, les glaces dérivent au rythme des marées, le vent fait frisonner les brins d’herbes et moi, je respire longuement et pleinement l’odeur de l’air frais salé si caractéristique à ce coin du monde.

Je sens une certaine quiétude et un profond bonheur d’être simplement ici et maintenant.

Vallée des Triplettes