L’inexploré, Antarctique

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On se réveille avec le bruit du vent. La tempête fait rage à l’extérieur. La tente plie sous la force des rafales. Frank se lève avec difficulté, il n’a pas l’air plus en forme ce matin, mais on avait dit qu’on partait du camp aujourd’hui peu importe son état.

Je sors à l’extérieur confirmer la force des vents, j’ai de la misère à rester debout… Ça va être un défi presque qu’impossible d’avancer là-dedans.

Ça nous prend une éternité pour défaire la tente de tous ses ancrages. En plus, elle se fait enterrée au fur et à mesure qu’on la défait. Même si nous sommes tous le plus efficace possible, démonter le camp est une vraie mission dans ces conditions. L’image de l’équipe en train de peiner à ranger la tente m’amène un questionnement: sommes-nous en train de faire une erreur? Jamais nous pourrons remonter la tente dôme dans ces conditions. En plus, l’état de Frank est critique, il survit sous l’abri d’urgence depuis des heures, redoutant l’heure du départ. Vraiment, est-ce la bonne décision?

Alex a l’air sûr de lui, du moins c’est ce qu’il nous laisse paraître. Sa confiance nous donne la force de continuer.

Après des heures de préparation qui m’ont paru infinies, les deux cordées sont prêtes à passer à l’attaque. Frank est trop faible pour s’occuper de lui-même. Je dois donc lui mettre son harnais, ses skis, son sac et faire ses nœuds à sa place. Les mousquetons sont gelés, je dois donc constamment retirer mes mitaines pour les dégelés. Mes mains sont froides, blanches et de moins en moins fonctionnelles. Ce n’est pas gagné d’avance.avant

Notre visibilité est d’environ dix mètres, c’est donc primordial que les deux cordées restent groupées pour ne pas se perdre. Je suis première de la deuxième cordée et ma mission est de ne jamais perdre Frank des yeux, qui est dernier de la première cordée. Comme nous sommes sur des cordées différentes, je peux me permettre de marcher côtes-à-côtes avec lui. Je suis donc disponible s’il a besoin de quoi que ce soit ou s’il a un malaise. Nous ne voyons même pas Sam devant nous, le seul indice pour nous indiquer le chemin est la corde qui se tend et se détend devant Frank. Je sens de la tension sur la corde derrière moi. Je ne sais pas si c’est mon traîneau qui me frêne ou si c’est ma cordée qui a de la misère à avancer… Je vois Frank disparaître dans un rideau de brume… Je ne peux me permettre de le perdre donc peu importe les problèmes qui se passent à l’arrière, je fonce, entraînant avec moi le reste de mon équipe.

Ma vision s’embrouille, mes lunettes givrées ne me laissent que 10% de visibilité. Je me sens comme une aveugle sans son chien guide. On se fait fouetter par de forts vents de côté. Garder l’équilibre est de plus en plus difficile. Je vois Frank osciller devant moi. Je sens mon masque de néoprène se durcir sur mon visage. Il s’y accumule un bon centimètre de glace et cela rend ma respiration difficile. Le vent s’intensifie. Mais qu’est-ce qu’on fait là?

Texte écrit lors d’une expédition de 41 jours dans un territoire inexploré de l’Antarctique.

Pour plus de détails sur l’expédition voir: www.xpantarctik.com

Crédit photo: Caroline Côté

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