Mon alarme me sort brutalement de mon coma de quelques heures. J’ouvre les yeux à la seconde et malgré mon sac de couchage qui me serre le visage, j’aperçois le soleil qui essai de percer les nuages. Cela me rappelle que je suis en expédition, qu’il est 6h00AM et que le déjeuner doit être prêt dans une heure. Action!
Les yeux à moitié collés, je serre mon sac de couchage, roule mon tapis de sol et pars le réchaud d’une main quand mon alarme sonne à nouveau. C’est le snooz, cinq minutes ont déjà passés, c’est fou ce qu’on peut faire en cinq minutes!
Je pars pieds nus à la rivière pour y chercher de l’eau. J’en oublie de regarder où je vais tellement le lever de soleil est majestueux! Pour ça, cela en vaut bien la peine de se lever tôt!
De retour à la cuisine, l’eau bouille. Prête pour la préparation du café, liquide indispensable au bien-être des membres d’expédition et à la suivie du guide! Maintenant le déjeuner, j’ouvre les multitudes de sacs étanches pour trouver tous les ingrédients, ce matin : crêpes aux pacanes avec petits fruits garnis de crème fouettée. Qui aurait cru aussi bien manger au plein milieu de nulle part? Et bien moi, j’y crois qu’on peut bien manger même sans eau courante, sans électricité et sans supermarché à proximité…
Un voyageur passe par la cuisine, il faut que j’aille l’air sympathique même si mon cerveau et mes mains font mille choses en même temps.
«Bien dormi?»
«Pas trop, j’ai eu froid toute la nuit»
Je le fais un peu rire en lui disant qu’il devrait se compter chanceux de ne pas s’être fait manger par un ours et je le rassure en lui disant qu’on trouvera une solution pour la nuit prochaine. Je réfléchirai à cela un peu plus tard dans la journée…
Deux poêles à la fois, les crêpes sont en production massive. La première est ratée comme toujours, ce n’est pas trop grave puisque j’aime bien les crêpes laides et qu’elle fera un beau premier déjeuner pour mon estomac qui demande qu’on le nourrisse au plus vite.. Sept heures moins dix, les voyageurs commencent à tourner autour de la cuisine… Dernier préparatif et non le moindre, la fabrication d’un centre de table : un bonhomme sourire fait de fruits, de crème fouettée et de sirop d’érable. Cela fait sourire tout le monde même les moins matinaux.
Pendant que tout le monde mange, je continue la production de crêpes, car elles sont bien populaires! Quand j’éteins enfin les réchauds, tout le monde est rassasié, sauf mon ventre qui me rappelle que la crêpe manquée est maintenant bien loin.
On termine ce déjeuner par l’explication du parcours. Tout le monde se rassemble, autour de la carte marine. Je les fais rêver des îles qu’on contournera, des montagnes qu’on apercevra et des animaux qui croiseront peut-être notre chemin. Leur en disant assez pour les faire rêver tout en me gardant des surprises sur le parcours. Parce que les surprises, tout le monde aime ça, même ceux qui ont perdue trop vite leur cœur d’enfant.
C’est sur un nuage que le groupe commence à ramasser leur tente et leurs équipements. Moi, je m’occupe de défaire la cuisine, de ranger l’abri cuisine, de préparer le dîner et d’emmener le tout près des kayaks. C’est là que je me rappelle mon envie de pisser qui est présente depuis mon réveil, mais mes occupations et ma volonté de bien faire les choses font vite oublier les besoins primaires…
En aidant, les autres à transporter leurs effets, je vois au loin le brouillard qui se lève. Je prends immédiatement un azimut avec ma boussole pour m’assurer qu’on se rendra à la bonne place. Dans ces conditions un peu grise et triste, je devrai doubler mon sourire et ma bonne humeur pour entraîner les autres dans le positif.
Les kayaks ont-ils rapetissé pendant la nuit? Malgré les jours qui passent et la quantité incroyable de nourriture ingéré quotidiennement, la pile d’équipement me semble toujours aussi énorme. À coups de poings et de persévérance ont réussi à faire rentrer tout le stock dans les trous minuscules des kayaks. Le sport n’est pas fini, il reste l’embarquement dans ce tapis d’algues gluantes et je parie trois personnes à l’eau dont moi-même compte tenu de ma coordination légendaire. C’est donc les fesses mouillées que je rentre en catastrophe dans mon kayak que j’ai du packter en vitesse. Des sacs pleins les pattes et les pédales désajustés, le kayak me semble soudain l’embarcation la moins confortable au monde. Peu importe, on a enfin quitté le campement et rendue sur l’eau on dirait que 50% de la journée est déjà réussie.
Quelques coups de pagaie plus tard, le brouillard se dissipe tranquillement pour laisser place à un ciel bleu et à une mer qui devient miroir. Et là, je me rappelle, je me rappelle que j’ai la plus belle job au monde et que dans mon bureau il ne manque pas de fenêtre.
Aquarelle qui s’est fait prendre par l’orange car j’ai dû la laisser sur une roche pour partir en catastrophe monter l’abri cuisine.